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Outremont Autrement
21 février 2011

Le nouveau campus d’Outremont :

Un schéma d’aménagement peu convaincant, un plan d’ensemble désuet

Une ultime assemblée publique a eu lieu le mercredi 16 février pour informer la population des modifications apportées au projet de règlement qui encadre la construction du nouveau campus de l’Université de Montréal sur le terrain de l’ancienne gare de triage d’Outremont avant son adoption par le comité exécutif et sa présentation au conseil municipal ce lundi 21 février.

Un bref historique

Rappelons que le projet de développement de l’ancienne gare de triage, sur la table depuis des décennies, a connu un point culminant en 1995 quand l’administration Pomminville a présenté un projet de développement résidentiel de 2000 unités d’habitation en partenariat avec le Canadien Pacific, propriétaire du terrain.

Gare_de_triage_1995
1995 - Projet résidentiel, 2000 unités d'habitation

Des citoyens des quartiers limitrophes s’étaient ligués contre le projet, remettant en question sa densité, la hauteur des immeubles et la rue Beaubien. Celle-ci était traitée comme un boulevard et reliait le viaduc Rockland à la rue Durocher en passant sous un tunnel, à l’est, sous la voie ferrée. Tout le nouveau projet résidentiel avait été configuré sur la base du prolongement de la trame urbaine outremontaise.
Outremont étant à cette époque une ville indépendante, ce projet fut soumis à la procédure du registre. Les citoyens ont obtenu la tenue d’un référendum. Le CP a alors retiré son projet plus, on s’en doute, pour les risques financiers qu’il comportait que pour plier devant la contestation citoyenne.

Des années plus tard et après bien des péripéties, l’Université de Montréal a acquis ce terrain dans le but de développer un nouveau campus universitaire. Au moment des fusions, Outremont était entré dans le giron de la ville de Montréal. Les élus et les citoyens d’Outremont ont ainsi perdu leurs pouvoirs décisionnels. En particulier, la procédure du référendum se voyait remplacée, en vertu de l’article 89 de la nouvelle charte de la ville de Montréal et dans ce cas, par une consultation publique placée sous l’égide de l’Office de consultation publique de Montréal. L’Université de Montréal aproposé un premier projet d’aménagement du campus en 2006. Bien peu différent du projet résidentiel de 1995.

Campus_d_Outremont_juin2006
Juin 2006 - Projet de campus universitaire 10 000 étudiants + 800 logements

Ce projet reprenait intégralement le principe de la grille de rues dans le prolongement de la trame urbaine. Le concept du boulevard avait été étoffé pour en faire une esplanade verte, copiée-collée de la Commonwealth Avenue de Boston. La consultation publique a eu lieu au printemps 2007. Le rapport fut déposé le 31 juillet 2007.

A la suite des recommandations de l’Office de consultation publique, la ville a commandé des études complémentaires, a rédigé un rapport sur la faisabilité technique et financière du projet et a mis en place un Comité d’accompagnement où siègent des citoyens d’Outremont, Outremont étant l’arrondissement où se situe le projet. Bien qu’il traite d’affaires publiques et d’intérêt général, ce comité siège à huis-clos et les citoyens, désignés par Mme Cinq-Mars, la mairesse d’Outremont, sont astreints à signer une entente de confidentialité sous peine d’être exclus. Ce comité a siégé deux fois et a surtout questionné le déficit d’espaces verts dans le projet initial. Un projet révisé a été présenté à la population en mai 2010.

Campus_d_Outremont_mai2010f_vrier2011
Mai 2010, février 2011 - Projet révisé du Campus universitaire 10 000 étudiants + 1300 logements

Il propose un ajout d'espaces verts dont la qualité est très discutable, sans modification substantielle de la structure routière. On apprend que le viaduc Rockland sera - peut-être - remplacé par un tunnel. Le même projet révisé a été présenté une 2ème fois à la population le 16 février 2011, assorti cette fois des modifications réglementaires.

Les études de circulation

La consultation populaire de 2007 a fait nettement ressortir les déficiences de l’étude de circulation présentée en soutien au projet. Les citoyens, auxquels s’est ajoutée la ville de Mont-Royal, ont majoritairement remis en question la méthodologie utilisée et les résultats obtenus. Il est parfois une expertise citoyenne que les professionnels de l’aménagement devraient savoir écouter car, si l’on se reporte à la page 8 de l’étude de circulation de 2006, on constate que les comptages sont tellement bricolés et extrapolés que leur fiabilité demande une solide vérification. La recommandation #6 de l’Office de consultation publique se lisait d’ailleurs comme suit : « La commission recommande que l’étude de circulation prenne en compte la nature métropolitaine du projet, que la zone d’étude soit élargie à la zone d’influence du projet et qu’elle comprenne les effets cumulatifs. La commission recommande également que l’évaluation des impacts sur la circulation soit complétée par la Ville de Montréal, et ce, avant que le projet ne soit autorisé » (rapport de l’OCPM, p46, 31 juillet 2007).

Une seconde étude a été commandée en février 2008 mais celle-ci s’est limitée à analyser la performance de la grille de rues proposée pour la première phase du campus, se bornant à émettre des commentaires hypothétiques quant à la seconde phase. Elle ne s’est pas attaquée à la mise à jour rigoureuse et systématique des données de base que sont les comptages véhiculaires. Il va sans dire que pour un projet aussi important et dont les impacts seront considérables dans un secteur étendu, c’est le bon fonctionnement du projet global avec les projections à la clef qu’il faut savoir évaluer et si possible maîtriser.

Pour un projet métropolitain d’une telle envergure, positionné dans un endroit aussi stratégique entre le nord de l’Ile de Montréal et le centre-ville, l’étude de circulation se doit d’être irréprochable pour anticiper les impacts du projet à venir et corriger les carences de la circulation actuelle. Elle se doit aussi d’être prospective pour structurer des solutions novatrices en vue de faire de ce projet de campus universitaire non pas un projet de voirie, d’infrastructures et de zonage, mais bien un projet d’aménagement urbain visionnaire et générateur de fierté. L’étude de circulation étant la pièce maîtresse de l’aménagement, celle qui structure l’exercice de planification et donne sa pertinence au tracé des rues, il est illogique qu’elle n’ait pas été complétée selon les règles de l’art.

Il n’est pas étonnant qu’en de telles circonstances les citoyens se posent encore des questions sur la gestion de la circulation autour de ce campus, d’autant plus que le nombre de logements est passé de 800 à 1300 sans que l’augmentation de l’impact véhiculaire n’ait été pris en compte!

Force est de constater que la recommandation #6 de l’Office de consultation publique a été magistralement éludée par la ville de Montréal. Les citoyens d’Outremont ont accepté, de bonne foi, de faire partie de la ville de Montréal. Ils ont accepté de troquer la procédure du référendum contre un débat public franc et honnête. Voir aujourd’hui la ville de Montréal bafouer de façon aussi spectaculaire l’une des recommandations les plus importantes de l’Office de consultation publique et tromper leur confiance est une insulte à nos institutions en plus d’être une négation des connaissances acquises en aménagement urbain et en ingénierie de la circulation.

La rue Beaubien et ses deux tunnels

Quand on regarde le schéma d’aménagement, le tracé de la future rue Beaubien saute aux yeux. Elle est reliée au réseau routier principal nord par ce qui sera le viaduc ou le tunnel Rockland qui franchira la voie ferrée. La rue Beaubien passe à nouveau sous la voie ferrée par un autre tunnel, 1km plus loin, à l’est cette fois. La construction de 2 tunnels, à 1km l’un de l’autre, va coûter cher aux contribuables et … remplir les poches de l’industrie de la construction. Pourquoi diable faire rentrer la circulation sur le territoire d’Outremont pour la faire ressortir aussitôt, si ce n’est pour consacrer la rue Rockland, une rue strictement résidentielle, comme voie d’accès au centre-ville de Montréal et confirmer que l’arrondissement d’Outremont est une passoire pour la circulation de transit?

A y regarder de plus près, on voit l’imposante rue Beaubien buter sur la petite rue Durocher qui lui est parfaitement perpendiculaire. Un pointillé vert laisse voir une liaison directe avec l’avenue du Parc. Quand se fera-t-elle? C’est plus facile de faire un pointillé vert sur un plan que d’ouvrir une rue à Montréal! Et que dire de ce futur campus pris en tenaille entre une voie rapide de circulation et une voie ferrée?

La grille de rues

Il est curieux de constater que, dans le schéma d’aménagement du campus de 2006, le principe du prolongement de la trame urbaine comme système d’ossature du plan a été conservé bien que les usages projetés soient passés de résidentiel à institutionnel. Ce principe pouvait se défendre dans un contexte résidentiel où il est intéressant de prolonger le vocabulaire urbain quotidien prédominant. Mais un projet de campus se développe à une tout autre échelle. Retenir la grille de rues orthogonales prédéterminées apparaît quelque peu dogmatique, réducteur et inadapté.

Il suffit de regarder le plan-masse proposé pour constater à quel point, il est statique et prédispose à desmises en forme architecturales de blocs-patchwork. Libérer l’espace sur la base d’un plan-directeur libre aurait ouvert les portes de la flexibilité et de la créativité. Le campus de l'Université McGill, campus urbain par excellence, s'est développé sur la base d'un plan libre de la contrainte de la grille des rues environnantes! 

Le plan particulier d’urbanisme : l’art de pelleter les problèmes en avant

La Ville de Montréal nous promet une « vaste démarche de participation citoyenne » visant à requalifier les abords du futur campus à l’aide d’un plan particulier d'urbanisme. Les mesures à l’étude porteront notamment sur « l’optimisation du réseau de circulation ». A force d’éviter de se donner les moyens objectifs de régler les problèmes actuels et de ne pas en créer de nouveaux, nous n’avons pas fini d’entendre parler d’optimisation du réseau de circulation dans tout le secteur!

L’avenir ...

Bref il y aurait beaucoup à dire sur ce projet mal ficelé et peu convaincant. Montréal mérite mieux. L’Université de Montréal mérite mieux. Outremont mérite mieux. Bien des voix se sont élevées pour réclamer un concours international qui aurait fait de ce projet un enjeu, un débat et un creuset de créativité. Devant l’aveuglement volontaire de la ville de Montréal et de l’Université de Montréal qui sont restées sourdes à toute démarche de planification urbaine novatrice, il restera aux citoyens d’Outremont de faire de la révision de ce règlement adopté à toute vapeur après l'assemblée publique du 16 février, un enjeu électoral prioritaire pour les élections municipales de novembre 2013. Pour avoir enfin des études de circulation exemplaires et un schéma d’aménagement urbain à la hauteur d’une vision d’avenir.

 

 

 

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